Une véritable symphonie visuelle confectionnée de main de maître [+]

Avec Mandoline, Pia-Mélissa Laroche compose une ritournelle, une mélodie visuelle entraînante et réjouissante. Elle dessine une suite ininterrompue de séquences qui s’enchaînent et s’enchâssent élégamment et où les notes deviennent motifs autant que les planches semblent mues par une musicalité sous-jacente. L’album n’avance pas tant en termes de péripéties que de développement visuel : et pourtant cet album se lit, les rythmes varient, des protagonistes apparaissent (dans un sens très large, la mise en page pouvant en être un) pour finalement s’effacer et laisser la place à d’autres. On perçoit des variations d’intensité qui interprètent les émotions qui se jouent dans les scènes représentées. À l’anecdote elle préfère l’idée de rime visuelle ou d’échos graphiques qui engagent la lecture. Mandoline est un album très beau, entraînant, simple et ambitieux, tout en légèreté, une véritable symphonie visuelle confectionnée de main de maître par Pia-Mélissa Laroche. [-]

Un livre difficilement racontable mais qui se perçoit et se ressent comme un rêve éveillé, avec une poésie simple et sensible, fascinante [+]

C’est un album sans texte, mais empli de musique et de vibrations. Une mélodie se déroulant à la manière du jeu d’enfants le « Marabout » (« … bout de ficelle », etc.) ou d’un jeu de dominos fantasque (ainsi qu’il se déploie pages 66-67 de cette Mandoline). À la place de l’enchaînement de mots, c’est un enchaînement d’images, cadavre exquis ponctué et entraîné par une sarabande de notes musicales. Un combiné de téléphone, un disque (lu par un petit personnage fantomatique qui va bientôt s’en échapper sur un chemin sinueux qui se transformera en lacets de chaussures tandis qu’il deviendra mouchoir, un mille-pattes farouche, un Pierrot mélancolique, un vieux pêcheur et tant d’autres créatures et objets foisonnent au fil des pages. Le style graphique, toujours en noir et blanc, varie aussi, du cartoonesque au réaliste – notamment par le fait que cet album édité compile des travaux différents réalisés au cours de ces dernières années – mais toujours dans un univers fantastique, onirique. Bref, on l’aura compris, un livre difficilement racontable mais qui se perçoit et se ressent comme un rêve éveillé, avec une poésie simple et sensible, fascinante et dans laquelle on peut apprécier la finesse du trait et l’humour des variations. Graphiste et illustratrice parisienne, active sur la scène du fanzinat et autoéditrice, Pia-Mélissa Laroche publie donc ici sa première bande dessinée « éditée », aux Éditions Matière, à qui l’on doit récemment l’excellent La Constituante. Sa méthode consiste, comme le précise son éditeur (et comme son foisonnant site personnel en témoigne) « à transcrire des cheminements de pensée via la relecture des objets et structures qu’elle observe ». C’est encore ce qu’elle réalise joliment avec Mandoline. Pia-Mélissa Lacoche réussit en tout cas son arrivée en bande dessinée sur une très bonne note. Une belle découverte et un beau moment d’évasion surréaliste. [-]

Ça raconte, d’une case à l’autre, d’une page à l’autre, mais sans nous imposer de fable. [+]

Mandoline est une bande dessinée « muette » de Pia-Mélissa Laroche aux Éditions Matière : un premier livre déployant (nous chuchote-t-on) quelques « variations musicales au charme vénéneux » susceptibles de « séduire les yeux comme les oreilles ». C’est donc en compositeur-interprète que je déchiffre cette partition graphique, même si, contrairement à ce qui se passe en musique (du moins comme je l’entends), ça raconte, d’une case à l’autre, d’une page à l’autre, mais sans nous imposer de fable ; ou alors une histoire « sans âge », ou mieux encore, entremêlant les âges de la vie : tant enfantine qu’issue d’un cerveau ayant roulé sa bosse (mais dessinée d’une main libre, non atteinte par les ravages d’une longue pratique). De réminiscences pop en acrobaties pianistiques (L’Escalier du diable est le titre d’une Étude pour piano de Ligeti qui me revient, tournant les pages), de souvenirs de serials du temps du muet en histoires jouées sur les tréteaux depuis des milliers de lunes, on suit cette partition en créant de nouvelles mesures de silence, sans pour autant arriver à se débarrasser de ces maudits « vers d’oreille » qui reviennent sans prévenir. Comme un jeu d’enfant se frottant soudain aux échecs…, comme une histoire racontée avant l’endormissement se mixant aux derniers restes d’un rêve échevelé…, Mandoline apporte une jolie promesse, ce qui n’est pas rien. [-]